Par: Mme Margaret Carlyle, Université de Chicago, mcarlyle@uchicago.edu, (Titulaire de la bourse de voyage Marie Louis Nickerson, Bibliothèque Osler d’histoire de la médecine)
The Osler Library of the History of Medicine’s recent acquisition of the French-language Abbrégé de l’art des accouchemens (The Art of Childbirth Abridged, 1785) points to the rich and little-known history of obstetrics in the pre-computer age. This is a time when many birthing practitioners were illiterate, when textbooks were scarcely affordable, and when the rise of the “man-midwife” was transforming the profession.
The author of this multi-edition treatise was Angélique Marguerite du Coudray (ca. 1712–1794), a midwife who originally penned the Abbrégé with the ignorant peasant woman in mind. She was nonetheless quick to point out in this second edition that her manual also spoke to more advanced students. Its small format distinguished it from the large and expensive anatomy atlases on the market that were often sold as collector’s items. The addition of twenty-six hand-coloured engravings indicates that the Abbrégé was meant to be a teaching tool and a practitioner’s handbook.
Mme du Coudray’s objective in this work and throughout her career was to ensure that all childbirth practitioners received adequate training to do their jobs and to do them well. Carrying out this mission on a large scale became possible when the French King Louis XV (1710–1774) provided her in 1759 with a royal brevet, which allowed her to educate students across the provinces.
During the twenty-five years in which she travelled the country, Du Coudray embraced a hands-on approach to training midwives of both sexes using a model of her own invention. This was a female “mannequin” of the lower torso and thighs constructed of stuffed cloth surrounding a real pelvic bone. It served to imitate the reality of childbirth, complete with cords that could be pulled to simulate uterine contractions and birthing waters. A foetal doll allowed students to test out different birthing positions before performing blindfolded on the model at the end of their course. The only known extant Du Coudray birthing model can be found at the Musée Flaubert d’Histoire de la Médecine in Rouen, France (Images 1 & 2).
The Abbrégé provides the “how to” in cases of routine and obstructive births (e.g. breech position). Best medical practices that would be lost on the modern reader are provided on such topics as infant swaddling (Ch. 16) and bloodletting (Ch. 36), and a moralistic chapter describes how to select the ideal wetnurse (Ch. 38). There are cautionary tales as well, including the danger of tugging on limbs assuming they belong to a single infant, rather than twins or multiples (Image 3). In keeping with the taxonomic spirit of the age, Du Coudray provides insights into types of deliveries, which she described as “natural,” “counter-natural,” or “praeternatural.”
How might the practitioner overcome nature’s errors, such as a narrow pelvis, an oversized infant, or a stubbornly attached placenta? The answer to that question was decreasingly prayer or an act of god alone. Indeed, although religious practices around childbirth continued and some were in fact enhanced in this period—such as a technique to baptize an infant in utero using a syringe (p. 89)—a more secular approach to childbirth was on the horizon.
As the Abbrégé reveals, it was an approach grounded in the midwife’s training. The engravings found in the Abbrégé contributed to this pragmatic mission and were meant to be used alongside her model, in order to hone the eye and the hand of the accomplished midwife. They present a disembodied maternal figure whose bony pelvis sits in stark contrast to the foetus nestled in fleshy organs (Image 4). Such imagery attests to the mechanistic understanding of childbirth that was prevalent in this period. Infant delivery, it was believed, was a kind of geometric puzzle that could be solved through the right balance of nature’s course and the practitioner’s ingenuity. The absence of obstetrical forceps in the Abbrégé suggests that Du Coudray prized the midwife’s manual dexterity above all: her disembodied, white-cuffed, almost angelic hands appear throughout the volume as the lone ‘tool’ required to safely issue the infant without harming its mother (Image 5). The veiny appearance of the hand in one plate (Image 6) suggests that the ideal midwife was a mature and reliable woman who had perfected her skillset.
The ultimate midwife was perhaps Mme du Coudray herself. Such a conclusion is readily apparent from the first page, where her portrait sits opposite the title page (Image 7). This was a rare act of self-promotion in an age when the codes of modesty meant that many women in the arts—and especially, the sciences—chose to publish their works either anonymously or under pseudonym. The Abbrégé also points to a unique genre of medical writing permitting female authors to enter the educated world of physicians and surgeons. Through her ingenious teaching mannequin, illustrated textbook, and courses, Du Coudray thus cornered a niche of an increasingly competitive medical marketplace. And yet, she also represents one of the last in a long-standing tradition of independent female midwives whose knowledge was largely subsumed by the new medical schools founded after the French Revolution.
By: Dr. Margaret Carlyle, University of Chicago, mcarlyle@uchicago.edu, Recipient of the Marie Louis Nickerson Travel Grant, Osler Library of the History of Medicine
SOURCE REFERENCE INFORMATION:
Angélique Marguerite du Coudray, Abbrégé de l’art des accouchemens, dans lequel on donne les préceptes nécessaires pour les mettre heureusement en pratique : on y a joint plusieurs observations intéressantes sur des cas singuliers ; ouvrage très-utile aux jeunes sages-femmes, & généralement à tous les élèves en cet art, qui désirent de s’y rendre habiles (À Saintes: Chez Pierre Toussaints, 1769, 2nd edition), Osler Library of the History of Medicine. Digital version found here.
Des mains bienveillantes : à la découverte du manuel de la sage-femme du XVIIIe siècle
Par: Mme Margaret Carlyle, Université de Chicago, mcarlyle@uchicago.edu, (Titulaire de la bourse de voyage Marie Louis Nickerson, Bibliothèque Osler d’histoire de la médecine)
L’Abbrégé de l’art des accouchements (1785), en langue française, récemment acquis par la bibliothèque Osler d’histoire de la médecine, met en lumière l’histoire riche et méconnue de l’obstétrique à l’ère préinformatique. L’ouvrage nous ramène à l’époque où de nombreux praticiens de l’accouchement sont analphabètes, les manuels scolaires à peine accessibles et où l’essor de l’« accoucheur » transforme la profession.
L’auteure de ce traité maintes fois réédité est Angélique Marguerite du Coudray (v. 1712-1794), une sage-femme qui, à l’origine, vise à instruire les femmes de la campagne. Elle s’empresse néanmoins d’expliquer dans cette deuxième édition que son manuel s’adresse également à des élèves plus avancés. Ouvrage de petit format, il se distingue des grands et coûteux atlas d’anatomie, souvent vendus comme objets de collection. L’ajout de vingt-six gravures colorées à la main révèle que l’Abbrégé se veut un outil pédagogique et un manuel du praticien.
Dans cet ouvrage et tout au long de sa carrière, Mme du Coudray poursuit l’objectif de former adéquatement l’ensemble des praticiens de l’accouchement. Elle peut réaliser cette mission à grande échelle lorsque le roi de France Louis XV (1710‑1774) lui accorde, en 1759, un brevet royal l’autorisant à former des élèves dans toutes les provinces.
Pendant vingt-cinq années à parcourir le pays, Mme Du Coudray préconise une approche pratique de la formation des sages-femmes (et accoucheurs), fondée sur un modèle de sa conception, consistant en une « peluche » reproduisant l’anatomie féminine, de l’abdomen aux cuisses, montée sur un véritable os pelvien. Ce « mannequin » imite l’accouchement, avec ses cordes qu’on tire pour simuler les contractions utérines et la rupture des eaux. Une poupée fœtale permet aux élèves d’étudier les différentes positions du bébé, avant d’« accoucher le mannequin », yeux bandés, à la fin de leur cours. Le seul modèle d’accouchement de Mme Du Coudray qui existerait encore à ce jour se trouve au Musée Flaubert et d’histoire de la médecine, à Rouen, en France. (Images 1 et 2)
L’Abbrégé présente des techniques pour les accouchements normaux et « laborieux » (ex. : présentation par le siège). De bonnes pratiques médicales, pour le bénéfice du lecteur moderne, sont présentées sur des sujets tels que l’emmaillotement des nourrissons (ch. 16) et la nécessité de la saignée (ch. 36). Un chapitre conseille même le lecteur à propos des qualités requises d’une nourrice (ch. 38). En outre, l’ouvrage comporte des mises en garde, notamment sur le danger de tirer les membres, qui pourraient appartenir à des jumeaux ou bébés multiples, plutôt qu’à un seul enfant. (Image 3) Dans l’esprit taxonomique de l’époque, Mme Du Coudray explique différents types d’accouchements, dits « naturels », « contre nature » ou « préternaturels ».
Comment le praticien pourrait-il surmonter les anomalies de la nature, comme un bassin étroit, un bébé très gros ou un placenta refusant de se détacher? De moins en moins, la prière ou la main de Dieu font partie de la réponse. En effet, bien que les pratiques religieuses associées à l’accouchement demeurent à cette époque présentes, voire renforcées – p. ex. baptême in utero à l’aide d’une seringue (p. 89) – une approche plus laïque de l’accouchement se profile à l’horizon.
Comme l’Abbrégé le démontre, l’approche est fondée sur la formation de sage‑femme. Les gravures de l’Abbrégé contribuent à cette mission pragmatique et doivent servir de pair avec le modèle à former l’œil et la main de la sage-femme accomplie. Elles représentent de manière désincarnée la figure maternelle, où les os pelviens contrastent nettement avec le fœtus blotti dans des organes rosés. (Image 4) Ces images témoignent de la compréhension mécaniste de l’accouchement qui prévaut à cette époque. L’accouchement, pensait-on, se faisait par la résolution d’une sorte de puzzle géométrique, dans un juste équilibre entre le cours de la nature et l’ingéniosité du praticien. L’absence des forceps de l’Abbrégé suggère que Mme Du Coudray privilégiait la dextérité manuelle de la sage-femme : ses seules mains, quasi angéliques, revers blancs aux poignets, figurent dans tout le volume comme l’unique « outil » nécessaire pour extraire le bébé en toute sécurité sans blesser sa mère. (Image 5) La main veineuse représentée sur une planche (Image 6) suggère que la sage-femme idéale est une personne fiable d’âge mûr, qui s’est perfectionnée avec le temps.
En fait, Mme du Coudray se voyait peut-être elle-même comme la parfaite sage‑femme, ce que tend à confirmer la première page, où son portrait s’oppose à la page titre (Image 7). Voilà un rare geste d’autopromotion, à une époque où les codes de la modestie voulaient que beaucoup de femmes dans les arts – et en particulier dans les sciences – publient anonymement ou sous un nom de plume. L’Abbrégé introduit un genre unique d’écriture médicale, qui permet aux auteurs de sexe féminin d’entrer dans le monde cultivé des médecins et des chirurgiens. Ainsi, grâce à son ingénieux mannequin, son manuel illustré et ses cours, Mme Du Coudray se forge un créneau dans le marché médical, de plus en plus concurrentiel. Et pourtant, elle est aussi l’une des dernières représentantes d’une longue tradition de sages-femmes indépendantes dont le savoir a été largement repris par les écoles de médecine fondées après la Révolution française.
INFORMATION SUR LES SOURCES :
Angélique Marguerite du Coudray, Abbrégé de l’art des accouchemens, dans lequel on donne les préceptes nécessaires pour les mettre heureusement en pratique : on y a joint plusieurs observations intéressantes sur des cas singuliers; ouvrage très-utile aux jeunes sages-femmes, & généralement à tous les élèves en cet art, qui désirent de s’y rendre habiles (À Saintes : Chez Pierre Toussaints, 1769, 2e édition), Bibliothèque Osler d’histoire de la médecine. Version numérique ici.
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